Rapport de l'Inspection générale des services judiciaires sur l'exécution des peines.

Lors de son discours au congrès en juin dernier, N. Sarkozy a évoqué «82 000 peines non exécutées parce qu’il n’y a pas de places dans les prisons». Il faisait référence à un rapport de l'Inspection générale des services judiciaires datant de mars 2009 et rendu public fin juillet dernier.

Nous vous proposons ci-dessous un lien vers ce rapport ainsi que l'analyse de Pierre-Victor Tournier dans le numéro147 d'Arpenter le Champ Pénal du 24 août (disponible ici). On pourra également consulter les articles du Monde et de Libération sur le sujet: Sarkozy s'emmêle avec les prisonniers, de Cédric Mathiot, Libération, édition du 25 juin 2009 et Le débat sur la mauvaise exécution des peines de prison est relancé, d'Alain Salles, le Monde, édition du 22 juillet 2009 (les deux articles sont disponibles sur simple demande) Extrait d'Arpenter le Champ Pénal du 24 août 2009:

Mise à exécution des peines, surpopulation des prisons et loi pénitentiaire

« Comment peut-on parler de justice quand il y a 82 000 peines non exécutées parce qu’il n’y a pas de places dans les prisons ? ».

Ainsi s’exprimait le président de la République devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, le 22 juin 2009. Un chiffre est annoncé, il est considéré comme inacceptable, et la cause (unique ?) de cette situation préjudiciable est avancée : le manque de places en prison. Présentation bien rapide d’au moins cinq sujets importantes et complexes : 1. la mise à exécution des peines privatives de liberté, 2. l’aménagement des peines sous écrou, 3. la surpopulation endémique des maisons d’arrêt, 4. la détermination de ce que devrait être un parc pénitentiaire adapté aux besoins de notre pays en terme de prévention, adapté aussi aux valeurs fondatrices de notre République, 5. L’évolution des délits et des crimes et celle des modes de sanction par la société. Cela fait beaucoup à traiter en une seule affirmation qui se révèle à l’analyse un peu spécieuse.

Le chiffre de 82 000 (82 153) provient d’un rapport de l'Inspection générale des services judiciaires intitulé « Les peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution ». Ce rapport de mars 2009 a été rendu public en juillet et mis en ligne sur le site du ministère de la Justice. Le quotidien Le Monde en a rendu compte, dans son numéro daté du 22 juillet, de façon claire et précise (article d’Alain Salles). Comme le titre du rapport l’annonce, il est bien question de peines en attente d’exécution et non des peines non exécutées … à jamais, de « peines perdues »… 90 % de ces peines sont inférieures ou égales à un an d’emprisonnement. Dans ce cas, le législateur a (sagement) prévu que le juge de l’application des peines examine s’il est possible d’aménager cette peine, c’est-à-dire de la mettre à exécution certes, mais sous une forme appropriée (placement sous surveillance électronique, semi-liberté, travail d’intérêt général, etc.).

Le rapport insiste ainsi sur le fait qu’une partie importante de ce stock de 82 000 peines « se trouve dans le circuit de l’aménagement (31 000 condamnations) et a donc vocation à être aménagée dans une proportion de plus de 50 % ». Si le législateur a prévu cette procédure, c’est bien qu’il considère, comme normal de ne pas faire exécuter toute peine privative de liberté en détention.

La décision que va prendre le juge de l’application des peines (aménager ou non ?, et si oui comment ?) va évidemment faire intervenir une multitude de facteurs qui mériteraient d’être analyser de façon scientifique (Que fait la recherche ?) : des éléments liés à l’infraction sanctionnée, à la personnalité du condamné, à son parcours, mais aussi des facteurs que j’appellerais « de contexte ». Pour décider d’un aménagement de peine en « milieu ouvert » sous le contrôle des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), le JAP ne va-t-il pas se soucier des conditions concrètes de suivi possible, des moyens en personnel disponible ? Cela nous parait tout à fait légitime car le sens de la peine, dans son exécution, en dépend. Quand saura-t-on mesurer la surpopulation en milieu ouvert, qui signifie absence de suivi pour tel ou tel condamné qui en aurait le plus grand besoin ?

Avant de renoncer à un aménagement en milieu ouvert, le JAP n’a-t-il pas, aussi, à se poser des questions sur l’état de surpopulation des prisons ? Ne doit-il pas s’interroger sur les conditions concrètes d’exécution en détention, sur le sens d’une peine qui peut s’avérer contreproductive, voire se transformer en un traitement dégradant ?

Alors « pas assez de places » comme dit le Président de la République ? « Trop de détenus » comme on dit généralement à gauche ? « Des prisons sans peine, des peines sans prison » comme disent les libertaires (slogan inepte de l’Observatoire « international » des prisons) ? Des années de travaux de recherche sur le sujet m’amènent à penser, aujourd’hui, qu’il y a trop de détenus et pas assez de places, pas assez de « places » qui permettent de respecter les règles pénitentiaires européennes (RPE). Nous y reviendrons prochainement. (...)


Le rapport auquel il est fait référence, intitulé Évaluation du nombre de peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution (disponible ici), a été rédigé par l'Inspection générale des services judiciaires à la suite d'une demande du cabinet du garde des Sceaux du 15 décembre 2008, le rapport rendu en mars 2009 a été publié en juillet. La lettre de mission demandait notamment "d'évaluer avec précision le nombre de jugements de condamnation à des peines d'emprisonnement ferme en attente d'être ramenés à exécution par les parquets des juridictions présentant la plus forte activité, répartis par palier de quantum d'emprisonnement ferme ; de déterminer à l'occasion de cette évaluation les raisons de la constitution des stocks susceptibles d'être mis au jour au sein des différents services concourant à l'exécution de ces décisions, et les perspectives de leur diminution voire de leur résorption ; de formuler, en lien avec l'Inspection des services pénitentiaires, toute proposition utile à la mise en place d'un dispositif permettant à chaque juridiction d'évaluer régulièrement et si possible quasiment en temps réel le nombre et la répartition par quantum des condamnations à une peine d'emprisonnement ferme, et garantissant la parfaite fluidité de cette information entre services judiciaires et services pénitentiaires. "

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